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Festival "Regarde sous tes fenêtres" :

l'art pour tous, par tous... et dans la rue

 

 

Pendant trois jours, du 17 au 19 juillet 2014, le centre-ville de Saint-Auban, dans les Alpes-de-Haute-Provence, a vécu au rythme du théâtre et de la musique. Ce festival, qui a réuni des artistes professionnels et amateurs, d'ici et d'ailleurs, a bénéficié de la présence d'un groupe de 25 jeunes espagnols, italiens et français. Accueillis à Saint-Auban dans le cadre du programme "Jeunesse en action" de l'Union européenne, ils ont travaillé trois semaines au contact des habitants et associations locales, et ont construit une déambulation artistique inspirée de l'histoire de ce bourg construit au début du XXe siècle autour d'une usine de chlore.

 

Cette première édition du festival "Regarde sous tes fenêtres" a été organisée par la MJC de Saint-Auban, avec le soutien financier du Conseil général 04, de l'association Caper 04 (Comité amiante prévenir et réparer), et l'aide logistique de la mairie de Chateau-Arnoux Saint-Auban. Trois associations ont également contribué à l'accueil des jeunes Européens sur la commune : le Point Rencontre, le centre social La Marelle et le Centre national de vol à voile.  

Voyage dans les arrière-cours

d’une cité ouvrière

Un chimiste fou qui veut colorer la pluie. Des migrants qui trimballent leurs valises et rêvent de leur pays. Des travailleurs affamés qui se vendent à un patron avide. Des amoureux qui se cherchent. Et des hommes en combinaisons estampillées Arkema, le propriétaire actuel de l’usine de Saint-Auban… Le 19 juillet dernier,

25 jeunes espagnols, français et italiens ont revisité l’histoire de cette cité ouvrière de Haute-Provence, avec la complicité active d’habitants, d’adolescents de la MJC, et de commerçants de la grande place du centre-ville. Tout s’est passé dehors : sur les toits, sous la halle, dans les rues, les arrière-cours et les vitrines désaffectées… Les patrons du bar ont même ouvert leur appartement aux comédiens, pour qu’ils puissent s’adresser au public depuis la fenêtre du premier étage.

 

Théâtre, musique, danse, installation : la déambulation a invité les spectateurs à voyager dans les recoins de leur propre ville. Les jeunes artistes leur ont renvoyé, sous forme de métaphore, le reflet de leur histoire. L’histoire d’une population aux « 27 nationalités », toutes venues pour bosser à l’usine de chlore. Le travail était dur, souvent même il rendait malade, mais il soudait tout le monde dans une camaraderie dont les anciens parlent avec nostalgie. Comment retrouver le bonheur de vivre ensemble, maintenant que l’usine n’est plus ce qu’elle était ?

 

Mélange des genres et des générations

Certains spectateurs étaient venus exprès, d’autres passaient par là. Ce week-end-là, c’était aussi la fête votive. Il y avait les forains assis devant leurs caravanes, les familles venues pour un tour de manège, les clients du bar tout surpris de voir débarquer, à quelques centimètres de leur table, un spectacle et son public. C’était tout le défi du projet : il fallait « créer à partir d’un contexte », et « s’adresser à une population qui n’a pas l’habitude d’aller au théâtre » explique Julie Vuoso, la coordinatrice du festival « Regarde sous tes fenêtres ». Pour mettre sur pied cette déambulation, les artistes ont travaillé trois semaines sur place, rencontré des associations et des habitants, animé des ateliers, appris des danses traditionnelles locales et le texte écrit par un jeune rappeur du coin…

 

Un joyeux mélange des styles et des générations, qui a duré tout le temps du festival. Théâtre, musique électronique, chorale de femmes, hip hop… La programmation a été conçue pour multiplier les passerelles entre les âges, entre artistes professionnels et amateurs, d’ici ou d’ailleurs. « C’était important que tout le monde joue sur la même scène », précise Julie. Et si la communication reste à améliorer pour que le public local se déplace davantage, ceux qui étaient là ont pu vivre le genre d’instants magiques où des univers très différents se rencontrent. Comme ce concert de Groupe2, un duo venu de Montpellier, donné vendredi soir sous les étoiles et les lumières multicolores de la fête foraine. En descendant de scène, les musiciens ont dit qu’ils s’étaient régalés de jouer là. Derrière eux, les enfants qui tournaient sur les manèges ont peut-être entendu là le premier concert d’Afro Jazz de leur vie !

 

« Un baume au cœur »

C’est tout l’esprit du projet « Carrefour des cultures », porté par la MJC de Saint-Auban, dans lequel s’est inscrit le festival « Regarde sous tes fenêtres » : recréer du lien en s’ouvrant sur le monde, mais aussi en valorisant la richesse des cultures populaires locales, celle des jeunes et celle des vieux, quelles que soient les origines des uns et des autres. Recréer du lien, se retrouver pour faire la fête en transcendant les barrières générationnelles et communautaires… A Saint-Auban comme ailleurs, il y en a bien besoin, en tout cas si l’on en croit les petits commerçants. Dans ce centre-ville où de nombreuses boutiques ont fermé depuis que l’usine est en déclin, ceux qui restent essaient tant bien que mal de maintenir un peu de vie sur la place. Ce festival, « c’était un plus sur une fête tristounette », estime l’un des deux bouchers. « La commune a eu comme un baume au cœur », a écrit une vendeuse de vêtements. « Merci pour la rencontre avec les jeunes » et « on est sortis de la routine », ont dit les boulangers. Quant à la coiffeuse, elle ne cache pas son enthousiasme : « Enfin du nouveau sur Saint-Auban ! Il y a eu du mélange, de la vie, du plaisir. C’est bien pour tout le monde. »

"Il faut développer encore plus ce genre d'évènement, en informant et en impliquant plus les commerçants de la commune."

Carole Hernandez, coiffeuse (Salon Métamorphose)

 

"C'était très très bien, visible et ludique pour les habitants. Merci pour le boulot et la rencontre avec les jeunes. Je cautionne à 100 %. ET pour les commerces, il y a eu plus de vente et d’animation."

Olivier Chatelais, boulanger (Les Pains de l’olivier)

 

"Surprenant au départ, mystérieux pendant, et appréciable à la fin. Des gens très agréables, avec le sourire et une pêche d’enfer."

Beaumeyer Bernard, boucher

 

"Il y a eu de grands moments d’échange, de valeur et de qualité humaines, c’était un bel exemple pour les jeunes du carrefour. Notre population cosmopolite fait toute la richesse de notre territoire."

Lucy Roure

L’histoire de Saint-Auban mise en scène

Préparation du spectacle : Jackie lit un texte du recueil.

Paula, Andrea et Julie vont chanter en italien.

(échange soutenu par le programme de l'Union européenne

Jeunesse en action)

Mercredi 16 juillet à la MJC de Chateau-Arnoux Saint-Auban. Ce soir, les jeunes Européens accueillis à Saint-Auban rencontrent Amèle, Jackie et Yamina, trois femmes de la commune qui ont participé à la réalisation d’un recueil de portraits d’habitants dans le cadre du projet « Carrefour des cultures ». « Nous avons voulu montrer que Saint-Auban est un lieu où nous avons bien vécu ensemble, et où nous aimerions continuer à bien vivre ensemble », explique Yamina aux jeunes. « Pour nous, ces portraits sont un moyen de tisser un lien entre les différentes cultures. L’usine et la ville ont été construites par des gens venus d’Italie, d’Espagne, d’Algérie, du Maroc… » « On a en tout 26 nationalités », ajoute Amèle. Dans un coin de la salle, Amin, un ado qui participe aux activités de la MJC, approuve de la tête.

 

Puis on passe aux répétitions : Amèle va dire, sur fond de valse jouée à l’accordéon et dansée par les jeunes, un poème qu’elle a écrit pour le recueil. Quant à Jackie, elle lira un texte, accompagnée par le chant de Paula, Julie et Andrea. Une ballade amoureuse, ramenée par Andrea d’un petit village italien, qui rappelle à Jackie ses propres origines… 

 

Pour Julie, qui a grandi dans la commune et coordonne cette année le projet d’échange européen, c’était important d’inscrire la création du groupe dans le contexte local et le projet de la MJC « Carrefour des cultures ». « J’ai fait des recherches que j’ai transmises au groupe, et nous avons rencontré des associations locales, des gens qui nous ont transmis l’histoire de l’usine », dit-elle. « Ça nous a plongés dans un apprentissage de la société concrète, du réel. Et ce réel a une résonnance mondiale. Dans chaque pays d’où nous venons, on retrouve un peu la même histoire. »

 

 

25 jeunes espagnols, italiens et français

créent un spectacle à Saint-Auban

Ancre 1

Atelier entre les jeunes Européens, et des enfants 

de Saint-Auban et Saint-Etienne-les-Orgues.

(échange soutenu par le programme de l'Union européenne

Jeunesse en action)

Deux semaines pour créer un spectacle associant 25 jeunes de trois pays différents, et des habitants de Saint-Auban venus partager avec eux leur histoire… C’est le pari relevé par les compagnies TeatroMacchinaInutil (Italie), ResiduiTeatro (Espagne), et un collectif français qui réunit des artistes de cirque, de théâtre et des plasticiens. Depuis le 30 juin, la MJC vit au rythme de cet échange européen. Entre les séances de travail collectif, les sorties et les rencontres avec les associations locales, les 25 participants ont appris à se connaître et ont découvert la ville qui les accueille. Leurs répétitions ont lieu à la MJC et, depuis quelques jours, sur la place Pechiney, où ils donneront leur spectacle samedi soir.

 

Le groupe est hébergé au camping de l’aérodrome, où les discussions se poursuivent en musique et dans un joyeux mélange : Paula, Andrea, Sofia et Julie se chargent des traductions simultanées en espagnol, italien et français. Sur les bungalows sont affichés une liste de vocabulaire dans les trois langues, un plan du centre-ville de Saint-Auban, et le déroulé du spectacle, là encore avec traduction.

 

Travailler en dépassant les barrières culturelles demande beaucoup d’énergie et, le soir, tout le monde est épuisé. Mais les échanges sont très riches : « Tout le monde a quelque chose à donner aux autres » explique Marco, 20 ans, qui est venu d’Italie et vit là sa première expérience à l’étranger. « Quand vous sortez de votre pays, vous voyez tous ceux qui peuvent vous aider à devenir un meilleur homme. »

 

Un premier échange avait eu lieu l’année dernière, en Italie, entre ces trois groupes. Une compagnie croate était également présente, mais n’a pas pu venir cette année. L’échange est financé par l’Union européenne dans le cadre du programme « Jeunesse en action ». 

"Grâce au festival, j'ai appris des cultures différentes"

- Amine, de quoi parle ta pièce ?

Amine : C'est une histoire d'amour... J'ai trouvé l'idée dans un film de Bollywood. Il y a deux amoureux, un garçon et une fille qui s'aiment tellement que si l'un se fait frapper à la main, l'autre est blessé au même endroit. Le père de la fille est riche, celui du garçon est pauvre. Alors, ils sont séparés quand ils sont enfants, mais une fois grands ils se retrouvent...Et ils seront encore séparés. Dans ma pièce, l'histoire se passera à Saint-Auban, entre la fille du directeur de l'usine et le fils d'un ouvrier ! Mais ce sera comme dans les films de Bollywood, avec beaucoup de danse et pas trop de dialogues.

 

- Qu'est-ce qui t'a donné envie de faire du théâtre ?

Amine : J'avais fait des petites pièces de théâtre en Algérie, quand j'étais en colonie de vacances. Quand il y a eu l'échange européen, je suis allé aux ateliers de théâtre que les artistes européens ont faits pour nous. On a fait un spectacle, et cette année, j'aimerais entrer encore plus dans le projet.

 

- Tu as rencontré cet été 25 jeunes artistes espagnols, italiens, français... C'était comment ?

Amine : Des moments inoubliables ! Je ne voulais pas qu'on se sépare. Quand ils sont partis, on a tous pleuré. J'ai appris des cultures différentes, le respect des gens, je me suis fait des amis de chaque pays... J'ai trop aimé.

Wahid Cheklat, dit Amine, a 14 ans et il est en 4e au collège de Château-Arnoux Saint-Auban. Depuis son arrivée sur la commune, il y a un peu plus d'un an, il fréquente la MJC pour passer du temps avec les copains, participer à l'atelier graf, donner un coup de main au quotididien... "La MJC, c'est ma deuxième maison", dit-il. 

L'été dernier, il a fait la connaissance des jeunes artistes espagnols, français et italiens qui ont passé trois semaines à Saint-Auban, et il a participé au festival "Regarde sous tes fenêtres" organisé par la MJC. De quoi lui donner des envies de théâtre... Alors, il s'est lancé dans l'écriture d'une pièce qui sera travaillée lors des ateliers théâtre de la MJC, pour être présentée pendant la prochaine édition du festival. Pour écrire son scénario, Amine s'est inspiré d'un film indien, qu'il a vu traduit en arabe lorsqu'il vivait en Algérie, et qu'il a revisité à la sauce provençale... On est vraiment au "carrefour des cultures" !

 

 

Un festival pour tisser des liens

Fronky Pro a travaillé avec les jeunes Européens l'un de ses textes,

qui dénonce le racisme.

(échange soutenu par le programme de l'Union européenne

Jeunesse en action)

L’année dernière, le jeune rappeur de Malijai Fronky Pro écrivait un texte contre le racisme dans le cadre du projet de la MJC « Carrefour des cultures ». Il le chantera vendredi soir (18 juillet), place Pechiney à Saint-Auban, et samedi soir sous les halles, dans une version inédite : « On l’a travaillé avec les jeunes Européens qui vont chanter le refrain en chorale », explique-t-il.

 

Le festival « Regarde sous tes fenêtres », organisé cette année autour du travail des 25 jeunes européens accueillis par la MJC, tisse ainsi des liens entre ces artistes venus d’Espagne, d’Italie et de France, et des artistes locaux ou venus d’un peu plus loin. Vendredi soir, des jeunes de la MJC de Saint-Auban et de la Salle des jeunes de Saint-Etienne-les-Orgues présenteront un spectacle mis au point avec l’aide du groupe européen. Des habitants de la commune participent aussi au spectacle qui sera donné samedi soir par les jeunes Espagnols, Italiens et Français.

 

Au programme également, du théâtre proposé par les compagnies espagnole et italienne, de la danse hip-hop (compagnie Havin’fun, de Saint-Auban), des expositions peinture, photo, graff, sculpture, et des concerts : BeLOey (trip-hop, Liverpool), Deuk’s (electro, groupe de jeunes de la MJC), Groupe2 (Afrojazz, Montpellier), Fronky Pro, et la chorale de femmes de l’association Point Rencontre (Château-Arnoux).

 

Tous les spectacles sont gratuits. Le festival est soutenu par la commune de Chateau-Arnoux Saint-Auban, la Communauté de communes Moyenne Durance, le Théâtre Durance et le Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence.

Echange européen : des jeunes témoignent

« Je découvre d’autres cultures, et comment vivre ensemble. Là, tu n’es pas tout seul : ce n’est pas toi qui choisis ce qu’on fait, c’est le groupe. A partir des désirs personnels, se crée un désir commun. Au niveau artistique, tu vois différentes manières de faire du théâtre. Moi je fais plutôt du théâtre de rue, et là, il faut beaucoup s’entrainer en tenant compte du groupe. »

Luca, du ResuidiTeatro (Espagne)

 

« J’aime beaucoup les liens qui se créent entre nous. C’est très intéressant de mélanger les cultures, les langues, les façons de voir différentes. »

Tiziana, du TeatroMacchinaInutil (Italie)

 

« Je suis colombienne et je vis depuis cinq ans en France où je fais un Master 2 de théâtre. Dans notre collectif, on organise des ateliers où chacun peut proposer un thème ou un exercice. Chacun essaie de transmettre quelque chose qui pourra nourrir la création des autres. Je m’intéresse beaucoup aux objets, que j’aime utiliser pour raconter l’histoire de la personne absente à qui ils ont appartenu. Les portraits d’habitants de Saint-Auban m’ont beaucoup plu. Grâce au livre où ils sont rassemblés, j’ai appris à écrire mon prénom en grec ! On a tous une histoire à transmettre et dans l’histoire de Saint-Auban, on retrouve un peu de notre histoire à tous. »

Sofia, du collectif français

 

(échange soutenu par le programme de l'Union européenne Jeunesse en action)

Contact : MJC de Saint-Auban - 04 92 64 17 24 - carrefourdescultures.mjc@gmail.com 

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